Ubu roi

Ubu roi

un chef-d’oeuvre troublant d’actualité

l’histoire

Ubu est un homme lâche, avare et violent qui décide de prendre le pouvoir sans le moindre partage. Et il l’exerce avec la délicatesse d’un char d’assaut : tyrannique, spoliateur, assassin de la noblesse, des magistrats et des financiers. Joyeux archétype de la bassesse humaine, Ubu manie redoutablement la machine à décerveler et le « croc à merdre » ou « crochet à noble »… Mais, s’il a pensé à éliminer ses adversaires pour régner sur cette improbable Pologne imaginaire qu’il convoite, Ubu a négligé de respecter ses promesses. Sa seule issue est donc la fuite en avant : attaquer le « Czar » et la Russie ! Polémique dès sa création au théâtre en 1896 par le jeune Alfred Jarry, Ubu roi continue à faire rire et réagir aujourd’hui : les Ubu sont en effet encore bien présents, incarnant la vengeance de nos instincts réprimés. Et lorsque cet Ubu là gueule sur l’univers depuis un bureau ovale, auréolé de cheveux orange, Jarry rejoint Le Dictateur de Chaplin, et le personnage réinventé par Daniel Benoin devient alors le reflet instinctif de l’agressivité de toute une société, toute une civilisation, tout NOTRE monde…

ce qu’ils en disent

Depuis le mois de novembre dernier, avec l’élection de Trump à la présidence des Etats-Unis, combinée à une situation géopolitique extrêmement explosive à l’Est et au Moyen-Orient (et qui s’amplifie à tous les niveaux), il me semble que le monde est dans un état de crise et de transformation intense, impensable encore il y a peu. Une crise comme à mon sens on n’en a pas eue depuis 1945. Il y a eu la Guerre Froide certes, mais ce qui se passe actuellement est encore plus tendu, plus dangereux, plus pernicieux. Il me semblait que je me devais de monter un spectacle qui évoque cette période brûlante : mon rôle, comme celui de tous les artistes, est de parler du monde, tel qu’il est, quand c’est nécessaire. Je me souviens avoir monté en 2008, pendant la crise économique, une pièce extraordinaire de Jean-Louis Bauer, Le Roman d’un trader. J’ai pensé à travailler sur des oeuvres plus légères, des fictions, mais toujours le monde revenait, et cette idée m’obsédait : évoquer l’actualité. J’ai longuement cherché ce que je pouvais faire, j’ai pensé à la pièce de Dürrenmatt sur Romulus, le dernier empereur romain, balayé par le chef de Germains – je me disais que ce que nous vivons ressemble quand même beaucoup à la chute de l’Empire ; une chute de la démocratie au profit de l’oligarchie. Ce n’était pourtant pas exactement cette histoire que je voulais raconter, il fallait trouver mieux, coller encore plus au réel. J’ai songé à faire appel à des écrivains, leur demander d’écrire. Plusieurs, comme notamment David Hare, ont aimé le sujet mais n’ont pas trouvé l’angle adéquat. Et c’est là que m’est venue l’idée d’Ubu Roi. C’est un texte particulièrement dément, et très proche de la démence de Trump. Le confronter à l’actualité donne des significations nouvelles à ce qui s’y passe (notamment les liens avec la Russie), et permet d’envisager différemment certains personnages comme la mère Ubu ou Bougrelas… Il y a une matière folle à exploiter. Comme l’autorisait Jarry, il y aura sans doute des ajustements, la réécriture de certaines scènes, une transformation possible du vocabulaire, sans trahir le vocabulaire très spécifique du dramaturge. Je pense aussi que la vidéo et le travail de Paulo Correia auront une importance capitale dans cette mise en scène à venir. Il y a des passages de Jarry dans lesquels des milliers de personnages interviennent ! Un lieu neutre, mais peuplé d’images. Je suis fier de ce projet, et heureux de le porter devant vous, à anthéa. Daniel Benoin

rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du jeudi 12 mars